L'amor et la mort : page 4

François

C'est ridicule. A quand la «machine à laver-cabriolet» ? la «cafetière-escalator» ? ou encore l'« aspirateur-canapé» ?!

Le père

Pour une fois, nous partageons le même avis, cela nous fait un point commun. Je trouve cette idée saugrenue ... et encore, « saugrenue » est un euphémisme. C'est une invention inutile, lamentable, représentative de l'emprise qu'a la société de consommation sur les personnes superficielles que nous sommes.

François

Justement, Dad. C'est cette emprise qui conforte Isidore dans ses choix, et cette même emprise qui l'assure que l'entreprise ne fera pas faillite. Après tout, ça n'est pas si mal, un frigidaire micro-ondes, toi qui te plains constamment de la taille de ta cuisine.

Le père

Non, non, non! Vingt fois non! Je ne cautionne pas ce genre de réalisations. Ce n'est pas comme ca que nous vous avons éduqués. Quand j'étais petit, je vivais dans une cabane sans eau ni électricité, avec mes parents et mes huit frères. (Forçant la voix, cherchant à se donner une contenance. Le public comprendra que le père pense l'inverse de ce qu'il dit.) Nous étions TRES heureux! Je crois même que cette cabane constitue le plus grand bonheur de mon existence.

François

Mais enfin, Dad! Tu ne vivais pas dans une cabane, tu habitais un château!

Le père

(Vivement) Certes, mais c'est tout comme. Ce que j'essaie de te faire comprendre, c'est que le monde évolue mal. Nous perdons notre identité, rongée par le consumérisme et les besoins superflus. (Exalté) Un arbre, le chant d'une cigale, l'envol d'oiseaux migrateurs, le bourdonnement d'une abeille, un arc-en-ciel naissant, un coucher de soleil sur l'océan, voilà ce qui satisfait les hommes! Je dirais même plus, c'est ce dont nous avons besoin, réellement.

Besoin d'une nature foisonnante, une richesse gratuite qui nous ouvre ses bras et que nous tuons à force de nucléaire et de surexploitation ! La drogue, l'alcool, la nouvelle technologie vont à l'encontre de notre nature première, ce sont des concepts vis-à-vis desquels nous devrions nous rebeller quand nous sommes de véritables nantis ! Te reste-t-il du whisky ?

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Adrien Krasniqi : "L'amor et la mort"